La Fête du Feu

Critique :

La Fête du feu, le remarquable troisième long métrage d'un cinéaste à découvrir impérativement : Asghar Farhadi

Si le cinéma d'auteur iranien a renouvelé le cinéma moderne, c'est généralement en se détournant d'une des figures canoniques du genre : la crise du couple. On en soupçonne aisément la cause, qui produit aussi bien la sous-représentation des personnages féminins dans cette production, qui a fort à faire avec la censure. C'est pourtant à ce thème qu'est intégralement consacré La Fête du feu, le remarquable troisième long métrage d'un cinéaste à découvrir impérativement : Asghar Farhadi

(...) La remarquable intelligence du réalisateur est de faire de ce soupçon l'objet d'un suspense qui ne sera levé qu'à la fin du film, au terme d'une série d'ingénieuses péripéties au cours desquelles la jeune et innocente Rouhi, mille fois mise à la porte et mille fois retenue in extremis, sera tour à tour instrumentalisée par la femme et par son mari, épousant un point de vue qui tantôt confirme, tantôt dément la fatale liaison.

La brûlante portée politique de ce petit théâtre intime s'en déduit aisément. Par les manipulations assumées et quasiment hitchcockiennes de la mise en scène, par le mensonge qu'il met en évidence à travers le comportement de ses personnages, par l'esseulement et le doute qui finissent par les frapper, Farhadi signe un film à la fois subtilement et violemment contestataire, dans une société où le dogme théocratique a imposé la vérité collective des croyances et des comportements.

A l'inverse du chemin parcouru par les amants du Voyage en Italie de Rossellini, que le plan final de la procession populaire ressaisit dans une communauté de destin, les personnages de La Fête du feu se désagrègent inexorablement, à l'unisson, pour un soir, de ces feux insurrectionnels et de ces explosions erratiques qui déchirent le voile de la nuit iranienne.

Le Monde par Jacques Mandelbaum