Vents de Sable, Femmes de Roc

Critique :

Un très beau documentaire sur une tradition séculaire.

Au Sud Niger, une fois par an, les femmes nomades Toubou prennent la route, en direction de la localité la plus proche, pour vendre leurs chèvres, participer à la récolte des dattes et acquérir quelques biens de première nécessité. Un périple de quatre mois et 1500 km pour, entre autres, Domagali, Mariama et Amina.

S’effaçant derrière celles-ci, Nathalie Borgers signe une belle œuvre qui évite les poncifs du documentarisme ethnographique. Le regard est respectueux sans être pour autant angélique. Ce mode de vie séculaire est montré pour ce qu’il est : dur et usant. "La vie nous rend moches", commente Amina alors que Mariama enduit d’onguent ses pieds écorchés par les sables du Sahara. Alors, les plus jeunes rêvent d’une autre destinée, devant les mirages d’un autre monde, comme ces soaps brésiliens (qu’elles croient européens) dont elles s’abreuvent durant leur voyage. Mariama aimerait devenir infirmière. Amina veut, elle, partir "à la ville", ouvrir un commerce et acheter un terrain bref : gagner son indépendance. Les aînées - sagesse ou fatalisme - tentent de les convaincre que leur vie appartient au désert - comme Domagali, la femme sans âge ("j’ai arrêté de compter à quarante ans").

Jamais démonstratif, le film livre au fil des conversations le constat d’un monde qui disparaît - et ne préjuge pas des conséquences de cette mutation : quand une chamelle meurt, le destin de son chamelon sera ailleurs. A la fin du film, un camion arrive, orné de petits drapeaux rouges, signe que l’on a trouvé du pétrole dans la région. Promesse de meilleurs lendemains ou manne qui ne profitera pas à la population du pays ? La caravane passe, les temps changent. Mais quand vient l’heure d’un nouveau départ pour Amina et Mariama, leur sourire se veut porteur d’espoir : les nomades vont toujours de l’avant.

La Libre Belgique du 19/05/2010 par A.Lo.