Route Irish

Critique :

Dans le dernier Ken Loach, Route Irish, il y a deux films, excellents, pour le prix d'un.

Dans le dernier Ken Loach, Route Irish, il y a deux films, excellents, pour le prix d'un. Le premier, politique, traite d'un phénomène massif méconnu en France, mais qui a fait les gros titres en Angleterre et aux États-Unis : la privatisation de la guerre. "Une manière pour les gouvernements de se débarrasser du sale boulot", résume Ken Loach, toujours aussi engagé et qui décrit implacablement cette mutation. Avec son scénariste Paul Laverty, il a réagi au retour en Angleterre de ces cercueils qui n'avaient droit ni aux fanfares ni au drapeau du gouvernement de Sa Majesté. Les morts sont des agents de protection privés, des contractuels (contractors) que les Irakiens appelaient les "cow-boys", parce qu'ils bénéficiaient sur le sol irakien de l'immunité par le biais de l'ordonnance 17. (...)

Chez Loach, le politique et l'humain sont toujours mêlés. L'homme, avec ses tripes, est un animal politique. C'est le second film, plus psychologique, présent dans ce Route Irish : la guerre pourrit après coup le cerveau de ses participants, qui importent sur le sol anglais les méthodes expéditives employées en Irak. La violence est là, chez nous ; nous avons fabriqué des bombes humaines, nous dit Loach, qui, pour mettre en condition ses acteurs, a employé ses bonnes vieilles méthodes : "Les acteurs n'avaient pas les clés du scénario, ils étaient parfois mis sur de fausses pistes ou prévenus au dernier moment de ce qui allait arriver." Telle est la clé de ce film à fleur de peau. Route Irish n'est pas une oeuvre de plus sur l'Irak, mais une enquête passionnante doublée d'une plongée vertigineuse dans la psyché d'un homme rugueux et cassé qui rend un hommage émouvant à son frère d'armes. Un des opus les plus noirs de son auteur.

Le Point par François-Guillaume Lorrain