We Need to Talk About Kevin

Critique :

Film organique, épidermique, voilà un des portraits d'enfant les plus extraordinaires que le cinéma nous ait jamais livrés.

(...) Il faut l'avouer : voilà un des portraits d'enfant les plus extraordinaires que le cinéma nous ait jamais livrés.
Face à ce (pas gentil) petit diable, une mère rejetée, bafouée, humiliée, qui se demande si elle a enfanté un monstre ou si elle a sa part de responsabilité, trop maladroite, trop aimante, trop impatiente. Le spectateur aussi se pose la question. Chacun se fera son avis, signe d'un film dérangeant et passionnant où l'aversion réciproque va crescendo. Au fil des défis, moments forts de cette lutte à mort, la réalisatrice écossaise Ramsay (qui adapte un roman de Lionel Shriver, éd. Belfond) réussit à donner chair à des personnages qu'on se prend en pleine figure. Car cette fan avouée de jazz livre un film organique, épidermique, un puzzle brutal, composé de sensations, de couleurs, de bruits, qui nous entraîne dans l'intimité d'une famille apparemment comme les autres.

Il fallait, bien sûr, que le duo d'acteurs soit à la hauteur du duel. Dans le rôle du fils, une vraie révélation, Ezra Miller, au look de jeune rock star charismatique, qui ne laisse aucune chance à cette mère qui voudrait l'aimer. Face à lui, Tilda Swinton, grande gigue d'Écossaise au physique malaisé, inquiétant, androgyne et androïde : un mélange de David Bowie pour les yeux bleus délavés et de Laponne pour la peau blanche, translucide. D'une séquence à l'autre, elle se métamorphose, compose des silhouettes étonnantes, où passe tout le malheur d'une mère assaillie par les figures terrorisantes de son propre sang. Il aurait fallu que Kevin récolte un petit quelque chose au Festival de Cannes dont il fut un des chocs. Tant pis. Il suffira d'aller le voir et d'en parler.
par Le Point