Manneken Pis: l'enfant qui pleut

Critique :

En un mot, Manneken-Pis, l'enfant qui pleut, c'est tof !

C'est un objet rare, original, très évocateur de la Belgique actuelle, qui interroge la fierté d'être bruxellois. Un bel objet documentaire, particulier, personnel, qui prend sa source au cœur de Bruxelles pour voyager entre hier et aujourd'hui, filmer la dentelle et les merdes de chien, mettre en scène tant de ses paradoxes, saisir la « Bruxelles attitude », cette manière de « laisser pisser », et pour nous dire, à travers le filtre de l'apparence dérisoire d'un petit garçon qui fait pipi, ce que recèle ce curieux symbole. En un mot, Manneken-Pis, l'enfant qui pleut, c'est tof !

Anne Lévy-Morelle, dont on ne peut oublier le magnifique Rêve de Gabriel, filme subtilement notre capitale, du bijou de pierre qui domine la Grand-Place au petit zizi de Manneken-Pis qui mobilise depuis toujours la collectivité, ne perdant rien de ses splendeurs, ni de ses horreurs. Elle nous l'offre en vue aérienne aussi bien qu'à ras de pavé déglingué et crotté. C'est viscéralement impressionniste et fondamentalement très humain, avec une petite musique poétique dans un dialogue entre Manneken-Pis et madame la pluie qui ne vient pas quand on l'attend et qui vient quand on ne l'attend pas. Et cette ville de carrefour s'impose fatalement paradoxale et attachante, lieu d'adaptation et de cohabitation.

Au fil des images et de quelques plans d'archives – le film remonte jusqu'au bombardement de 1695 –, on croise historiens et anonymes, experts et gens du quotidien, touristes et Bruxellois, pour retisser une histoire qui sait donner de la valeur à rien et maintient le souci de l'irrévérence par rapport à l'ordre établi. « Une épopée authentique », dira la cinéaste bruxelloise. Totalement zinneke, nous permettrons-nous d'ajouter.

Soir en Ligne du 18/06/08 par Didier Stiers, Philippe Manche et Fabienne Bradfer