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Présenté au festival de Cannes 2009 dans la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs


Distribu� par :
Elysée Film
Ce film n'est plus à l'affiche

Le Roi de l'évasion

Critique :

Un conte libertaire hilarant et festif (...) porté par un casting sensationnel (...)

Un conte libertaire hilarant et festif (...) porté par un casting sensationnel (...) C'est joyeux, singulier, libérateur, galvanisant, comique cette France profonde qui bande et tente de jouir sans entraves.

A entendre les réactions hilares du public de la Quinzaine des réalisateurs en mai dernier, salle secouée de rires à chaque trait d’humour de ce film, on se dit que voici venu le temps pour Alain Guiraudie d’élargir sensiblement son audience, jusque-là circonscrite aux aficionados. Un peu de soleil pour ce gueux du box-office, ce serait justice rendue à un vieux rêve qui bougerait enfin.

Le Roi de l’évasion, c’est du pur jus de Guiraudie, ici filtré de ses ingrédients les plus épicés. Le cinéaste d’Albi dessine toujours un territoire utopique, mais plus ancré dans notre réalité contemporaine, délesté de ses lubies héroïques et fantaisistes : terminés les “guerriers de poursuite”, les “ounayes”, les “krobans” et les noms improbables arabo-occitano-bretons à la Djema Gaouda Lon.

Le “roi de l’évasion”, c’est Armand Lacourtade, représentant en machines agricoles, homosexuel de la campagne, en pleine crise de mélancolie quadra. Armand est las. Ennuyé de son job, de ses amants, des coups d’un soir, de sa vie, de lui-même. C’est un gros nounours passif, dont le physique de rugbyman contredit un tempérament languide, comme vidé de son énergie, prêt surtout à l’inaction. Armand est dans un état intérieur qui ne correspond pas à son apparence extérieure, décalage qui est au fondement de ce film où l’habit ne fait ni le moine, ni le bandard fou.

C’est la rencontre avec l’altérité suprême qui va réveiller Armand : elle se prénomme Curly, elle est lycéenne, c’est la fille de son patron, et elle tombe amoureuse de lui. Le talent de Guiraudie, c’est d’abord de nous faire adhérer sans forcer à ce couple improbable. C’est ensuite de faire vivre autour de ces Roméo et Juliette version Confédération paysanne tout un peuple à la fois imaginaire et représentatif de la France rurale invisible : célibataires quinquagénaires, agriculteurs vivant encore chez leur mère, commissaire de province désabusé, retraité queutard, aubergiste irascible, tout ce beau monde de la cambrousse profonde et des bourgs désertés de la mondialisation se met drôlement en branle, sous l’influence occulte d’un tubercule magique, la dourougne (croisement entre le champignon, la coke, la pomme de terre et le Viagra ?), et sous le regard amusé et empathique du cinéaste.

Guiraudie alterne répliques savoureuses (“Viens me sucer dans ma cabane, j’ai des Pépito”), situations cocasses (une mère choisit les slips de son fils… de 50 ans), dialogues existentiels sur le sens de la vie et la loi sans loi du désir (“Si depuis la nuit des temps les gens se mettent en couple et font des gosses, c’est que ça doit pas être si mal que ça”), tout en affirmant son goût des plans larges et des lumières entre chien et loup.

Le film est porté par un casting sensationnel, où le talent des acteurs semble inversement proportionnel à leur renommée. Inversant le sens de la rencontre entre les “ploucs” et les urbains telle que dessinée dans le dernier Woody Allen, Le Roi de l’évasion brosse un milieu provincial aussi libertaire que la plus avancée des tribus parisiennes, mais totalement débarrassé des signes extérieurs de branchitude. Chez Guiraudie, la France rurale, ce n’est plus Pétain et sa terre qui ne ment pas, c’est très éloigné des cartes postales édifiantes à la Jean Becker (Les Enfants du marais, Dialogue avec mon jardinier, ce style de conneries…), et c’est différent également de la dignité un peu solennelle de Depardon.

Sous les apparences provinciales, c’est un monde de désirs à la Fassbinder qui pulse, mais avec un humour iconoclaste à la Mocky. C’est joyeux, singulier, libérateur, galvanisant, comique, cette France profonde qui bande et tente de jouir sans entraves et sans préjugés. (...)

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