Ce film n'est plus à l'affiche
Inglourious Basterds
Critique :
Changer le cours de l'Histoire, la fiction le peut. C'est ce pouvoir formidable que Tarantino célèbre (...)
C'est quelqu'un dont chaque film est un rendez-vous très attendu, depuis Reservoir Dogs (1992), et qui crée à chaque fois la surprise, non seulement en injectant quelque chose de neuf, de jamais vu, dans les genres qu'il aborde, mais en brouillant son image. Tarantino est un cas rare de cinéaste star qui ne capitalise pas. (...)
En général, dans les films de guerre américains, on parle l'anglo-américain et that's all right : s'il arrive que les nazis parlent l'allemand, celui-ci est caricatural. Inglourious Basterds, lui, se fait un principe d'honorer non pas une langue, mais trois - l'anglais, l'allemand, le français -, avec un bonus - irrésistible ! - en italien. (...)
Tous ces personnages forment une parade où Tarantino exploite les archétypes des nationalités et les réinvente à sa sauce. Brad Pitt mâchonne, grommelle ; son puissant accent du Tennessee singe celui de Marlon Brando ou de Clark Gable. Dans un allemand impeccable, Diane Kruger se surpasse, plagiant Brigitte Helm ou Marlene Dietrich, notamment dans la séquence centrale de la taverne, où elle joue avec de vrais et de faux soldats allemands aux devinettes, une carte collée sur le front. Le plaisir et le frisson du jeu, le travestissement, les références culturelles..., c'est un concentré magistral de Tarantino.
Si l'on ne se comprend pas, reste encore une langue commune : le cinéma. Pour le meilleur mais aussi parfois pour le pire, dès qu'il s'agit de propagande. Le cinéma, tout part de là : le début du film est un clin d'oeil au western italien. Et le dernier chapitre se déroule dans une salle où sont réunis Hitler, Goebbels, Bormann...
Changer le cours de l'Histoire, la fiction le peut. C'est ce pouvoir formidable que Tarantino célèbre, en utilisant la matière même du cinéma - la pellicule nitrate, extrêmement inflammable - comme arme réelle de combat contre le nazisme. Antinazi mais germanophile, voilà l'ultime atout d'Inglourious Basterds, qui cite Pabst, a été tourné à Berlin, comprend pas mal de vedettes d'outre-Rhin (Daniel Brühl, Til Schweiger) et en révèle une : Christoph Waltz, très savoureux en génie du mal, justement récompensé à Cannes. Chapeau, Quentin. Beau geste, schöner film, happy end.
Télérama du 22/08/09 par
Jacques Morice