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Ours d'Or de la Berlinale en 2009 et Prix de la Critique Internationale ; Nominé pour l'Oscar du Meilleur Film étranger ; Meilleur Film et Meilleure Actrice au Guadalajara Mexican Film Festival


Distribu� par :
BrunBro Films
Ce film n'est plus à l'affiche

La Teta Asustada (Fausta)

The Milk of Sorrow
Critique :

On sent parfois que le cadre de l'image, l'organisation des mouvements des personnages frise la dérision. Mais, toujours, le film se reprend, et penche du côté du respect, pour régler son pas sur celui de Fausta.

C'est un film d'après-guerre, une après-guerre qui n'en finit pas dans le Pérou d'aujourd'hui. Presque vingt ans après la défaite des guérilleros maoïstes du Sentier lumineux, les victimes (insurgés comme forces de l'ordre) souffrent encore.
L'un des visages de cette souffrance s'appelle Fausta, dont on va suivre le parcours, et qui donne son titre au film en France. Le titre original est La teta asustada : le sein effrayé. Car, en nourrissant leur enfant, les femmes violées par les combattants lui transmettaient leur souffrance, le maintenaient à l'écart du bonheur.

Tout ça, on le comprend très clairement dès la première séquence de ce beau film, le second de la cinéaste péruvienne Claudia Llosa, couronné de l'Ours d'or lors du dernier Festival de Berlin.

On entend, puis l'on voit une vieille femme alitée qui chante une complainte. La langue est indéchiffrable à nos oreilles, c'est du quechua, la langue des Incas. Les sous-titres nous disent la terrible histoire de la mourante, violée alors qu'elle portait l'enfant de son mari, assassiné sous ses yeux.

C'est la mère de Fausta, une jeune femme d'une beauté quasi extraterrestre. Emportée par la souffrance, la malheureuse laisse Fausta seule au sein d'un clan qui a fui son village pour s'installer dans un quartier précaire de la périphérie de Lima. L'oncle de Fausta, patriarche - bienveillant - de la famille, s'apprête à marier sa fille et demande à l'orpheline de pourvoir aux funérailles de sa mère.

La jeune femme est forcée de sortir de son isolement et trouve du travail comme domestique chez une pianiste qui habite les beaux quartiers. Le film suit alors un double mouvement : le deuil de la mère disparue, le retour de la fille dans le monde des vivants.

Dès son premier film, Madeinusa, Claudia Llosa jonglait entre la brutalité et la rêverie, l'horreur et la sensualité, d'une façon si clairement apparentée au réalisme magique des grands auteurs hispano-américains qu'on ne pouvait être surpris d'apprendre que la jeune cinéaste est apparentée à l'écrivain et homme politique Mario Vargas Llosa.

Fausta se joue en partie sur ce registre. Pendant tout le film, le corps de la mère attend - quasi incorruptible - que sa fille ait trouvé les ressources pour le mener à sa dernière demeure. Cette présence muette et funèbre fait comme un bourdonnement sombre qui tend toute l'histoire. Mais celle-ci passe par des humeurs très variées. Au contact de la musique que joue sa patronne, Fausta retrouve les mélodies que lui chantait sa mère, en invente de nouvelles. Une intrigue secondaire - qui n'est pas l'élément le plus réussi du film - montre comment sa blonde maîtresse se sert sans scrupule du patrimoine ancestral, en une métaphore un peu trop transparente.

L'important est ailleurs, dans la métamorphose inexorable, aux étapes presque imperceptibles, de la jeune fille élevée au lait de la peur. Magaly Solier est une actrice au physique exceptionnel, mais celui-ci ne l'est pas assez pour distraire de son travail. Elle fait passer en Fausta des émotions aux nuances très fines. A travers la croûte de peur qui l'enveloppe depuis longtemps, on voit poindre l'amusement, la colère, l'espoir.

En contrepoint, Claudia Llosa chronique les préparatifs de la noce qui préoccupe tant l'oncle de Fausta. La réalisatrice donne une image très stylisée, souvent burlesque, de la vie quotidienne dans un quartier populaire de Lima. L'agitation, qui ressemble à celle qui fait grouiller un bidonville de Lagos ou de Lahore, se détache sur fond de montagnes écrasantes, sur une terre brune sans végétation.

On sent parfois que le cadre de l'image, l'organisation des mouvements des personnages frise la dérision. Mais, toujours, le film se reprend, et penche du côté du respect, pour régler son pas sur celui de Fausta.

Le Monde par Thomas Sotinel
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