The Banishment

Critique :

Prix d'interprétation masculine à Cannes, « Le bannissement » est un superbe film de douleur et de renoncement.

La première scène du Bannissement (Izgnanie), de Andrey Zvyagintsev, est étonnante et impose une tension dramatique qui va tenir 150 minutes. Le cinéaste russe, remarqué dès son premier long, Le retour (Lion d'or à Venise en 2003), assume ses ambitions avec un grand et superbe film de douleur. Une tragédie familiale quasi mystique qui réussit à rendre l'invisible visible et fait basculer son sujet vers une intemporalité d'ordre aussi bien métaphysique que spirituel. (...)

Est-ce un film de philosophe ou de religieux ? Sans doute les deux puisqu'il interroge autant sur la foi que sur l'existentiel. Ce cinéma est viscéralement intellectuel, esthétique et créatif. Les images ont de la perspective. Les personnages sont une spiritualisation de la matière. Il faut se laisser happer.

De quoi parle vraiment ce film fascinant ? De solitude, d'amour et de renoncement. Avec qui ? Une trinité (une femme filmée comme une madone, deux hommes) qui n'est pas sainte mais humaine. Comment ? Avec des images en état de grâce face à un récit lourd, douloureux. Contraste voulu d'un cinéaste, disciple de Bergman et de Tarkovski. Andreï Zvyagintsev, grand cinéaste en devenir, applique l'idée d'un cinéma selon Robert Bresson qui disait : « Nous ne pouvons pas voir le vent mais nous savons qu'il existe en voyant les vaguelettes sur l'eau. » Tout son cinéma est là. Et même s'il est encore à l'aube de son épanouissement, il est déjà grand.

Soir en Ligne du 13/02/08 par Fabienne Bradfer