Doubt

Critique :

Le doute comme lien

Arme de destruction massive.
Sur un sujet difficile, au potentiel d’autant plus polémique que les faits divers en provenance des Etats-Unis interrogent souvent l’intégrité des prêtres catholiques, le dramaturge John Patrick Shanley avait déjà signé une pièce de théâtre applaudie. La transposition qu’il en fait à l’écran est en tous points remarquable - n’était, peut-être, l’un ou l’autre désaxement de caméra inutile.

Contrairement aux apparences, ce scénario n’est pas une charge contre la loi du silence qui serait en vigueur au sein de l’église catholique nord-américaine. A travers l’une des homélies du père Flynn, Shanley interpelle la puissance dévastatrice de la rumeur et des certitudes des croisés autoproclamés de tous poils. Sœur Aloysius a la conviction qu’un méfait a été commis et cela vaut, pour elle comme pour certains présidents, justification à porter accusation - quitte à créer des preuves là où il n’y en a pas. Ou la parole comme arme de destruction massive - avec ses victimes collatérales.

Le doute comme lien.
Portés par des acteurs au sommet de leur art, les dialogues de Shanley suscitent des abîmes de réflexion et maintiennent admirablement le doute jusqu’au bout. Il ne faut qu’une scène à Philip Seymour Hoffman pour "devenir" un parfait curé, crédible jusqu’au bout de ses ongles manucurés. Meryl Streep, elle, si elle emprunte des voies qu’elle connaît (trop ?) bien, n’en compose néanmoins pas une terrifiante inquisitrice. Face à eux, Amy Adams n’est novice qu’à l’écran, maîtrisant parfaitement le registre de la fragilité qui caractérise son personnage d’oie blanche. Pierre angulaire du récit, la rencontre entre sœur Aloysius et madame Miller (Viola Davis, également époustouflante) vient aussi battre en brèche, avec une courageuse audace, bien des idées reçues sur la notion de victime, tout en interrogeant la bonne conscience des ardents justiciers, qu’ils soient flics, présidents, simples citoyens, contempteurs professionnels, et aussi nobles soient leurs motivations. "Le doute est un pilier aussi fort que la certitude", déclare le père Flynn. "Doubt" est tout entier une méditation autour de cette assertion.

La Libre du 11/02/2009 par A.Lo.