S.O.P.

Critique :

Le réalisateur mène une passionnante enquête sur le « dérapage ».

Errol Morris revient sur le scandale des photos prises dans la prison d'Abou Ghraib. Des photos qui font froid dans le dos, exhibant tels des trophées de foire des prisonniers irakiens au comble de l'humiliation. Le réalisateur mène une passionnante enquête sur le « dérapage ». Qu'il veut percer à jour, en tentant de reconstituer le contexte du lieu et du moment.

Le véritable sujet du reportage pose une question universelle : comment des gens comme vous et moi entrent dans la barbarie, avant d'en sortir tout aussi rapidement ? L'horreur, Errol Morris ne se contente pas de la mettre en scène, via des archives photos et des mini-films tournés dans la prison. Non : il veut la comprendre.

Déjà dans The Fog of war, sur l'ex-secrétaire de la Défense américaine, le réalisateur posait les mêmes questions : comment un homme sensé et brillant comme Robert McNamara, débauché par J. F. Kennedy puis recyclé par Johnson, a-t-il pu se rendre complice, sinon acteur indirect, d'un des drames les plus épouvantables du XXe siècle, la guerre du Vietnam ? Plutôt que de le juger, Errol Morris avait préféré lui donner la parole et écouter son long témoignage. Le résultat était précieux, parce que complexe.

Errol Morris reprend ici la même méthode. Et donne cette fois la parole aux metteurs en scène de l'humiliation. Par procuration, et sur le strict plan de la méthode, conclut le cinéaste, ces photos (et films) mettent le régime américain sur le même pied que les nazis d'antan.

Soir en Ligne du 25/06/08 par Didier Stiers, Fabienne Bradfer et Julien Broquet